Découvrez comment la digitalisation peut aider à surmonter les défis de la loi EGAlim en restauration collective et favoriser des pratiques durables et locales.
Tribune de Renaud Enjalbert, CEO de Klarys, parue chez Néo Restauration en avril 2024.
Début avril, la Conférence des solutions s'est tenue au ministère de l'Agriculture, avec pour objectif de définir des stratégies pour atteindre les objectifs d'EGAlim en restauration collective. Face aux défis posés par cette loi, le digital peut jouer un rôle déterminant…
La loi Climat et Résilience : des normes renforcées
La loi Climat et Résilience, promulguée en juillet 2021, établit les bases d'une transition durable pour la restauration collective. Son article 237, en vigueur depuis le 1er janvier 2024, impose que 60 % des viandes et produits de la mer servis en restauration collective répondent à des critères de qualité et de durabilité. Pour les restaurants collectifs de l’État, ce taux atteint même 100 %. Parallèlement, la loi EGAlim, en vigueur depuis 2018 pour les produits locaux et bios, s'étend depuis janvier 2024 aux cantines privées. Néanmoins, un premier bilan de 2021 révélait que seulement 15 % des restaurants collectifs respectaient pleinement la loi, les collectivités étant les plus assidues. Le gouvernement a donc récemment exhorté les acteurs de la restauration collective à redoubler d'efforts.
Les défis de l'application de la loi
Dans un contexte où les producteurs locaux peinent et où la société aspire à une consommation plus responsable, cette législation est indispensable. Elle soulève cependant des défis majeurs pour les collectivités et entreprises : identifier des fournisseurs locaux, passer commande et s'assurer que ces fournisseurs répondent à la nouvelle demande.
La loi EGAlim encourage une restauration collective durable : des aliments parcourant moins de kilomètres, une fraîcheur accrue et une part de bio minimale. Cela impacte l'offre de restauration, l'empreinte carbone et le gaspillage alimentaire. Toutefois, ses objectifs mettent les organisations sous pression.
Les difficultés du sourcing et de la traçabilité
Les difficultés d'application de la loi sont multiples : comment trouver tous les fournisseurs dans une zone géographique donnée ? Comment avoir une visibilité complète de l'offre disponible ? Comment accéder à des données fiables pour répondre aux critères EGAlim et choisir les bons produits selon les labels et la traçabilité ? Ces tâches sont ardues pour des personnes non spécialisées dans les achats.
Faciliter les relations fournisseurs-acheteurs
D'un autre côté, les fournisseurs doivent faire connaître leur offre et gérer les relations d'achat et de livraison de manière fluide, ce qui est encore plus difficile pour les petites structures sans ressources suffisantes. La mise en œuvre de cette loi est un défi pour la restauration collective et les fournisseurs. Le numérique pourrait être la clé pour surmonter ces obstacles.
La digitalisation comme solution
La plateforme Ma Cantine, mise en place par le gouvernement, est un premier pas important pour accompagner les acteurs publics de la restauration collective. Bien qu'elle permette d'évaluer les établissements, elle ne répond pas complètement aux exigences de sourcing des produits locaux. De plus, son adoption reste limitée : sur environ 90 000 cantines, 28 000 sont inscrites, dont 19 000 scolaires, mais seulement 17 500 publient leurs données d'achat et 2 300 ont entrepris un diagnostic. Les résultats sont décevants : en 2023, seulement 10 % des cantines diagnostiquées atteignent les objectifs EGAlim, avec 14 % d'achats bio et autant de produits durables et de qualité non bio.
Vers une marketplace pour la restauration collective
Une marketplace, ou place de marché, pourrait révolutionner le secteur : une plateforme où vendeurs et produits sont identifiés par diverses caractéristiques (typologie, prix, zone géographique, etc.) et où acheteurs peuvent rechercher, contacter et commander facilement. Les vendeurs peuvent ainsi promouvoir leurs offres et trouver de nouvelles opportunités commerciales, et les acheteurs peuvent identifier facilement les producteurs locaux, passer commande et garder leur historique d’achat. En plus des transactions, les établissements pourraient bénéficier de données fiables en temps réel pour évaluer leur conformité à la loi.
Les projets alimentaires territoriaux
La création d'une telle plateforme pourrait s'intégrer dans un projet alimentaire territorial. Ces projets visent à relocaliser l'agriculture et l'alimentation en soutenant l'installation d'agriculteurs, les circuits courts et les produits locaux dans les cantines. Ces initiatives, issues de la Loi d'avenir pour l'agriculture, sont élaborées collectivement par les acteurs d'un territoire. S'appuyer sur ces projets présenterait l'intérêt de faire de l'obligation EGAlim un véritable projet de transformation sociétale.
Le digital peut être un levier de transformation puissant. En facilitant les rencontres entre fournisseurs et acheteurs et en offrant des outils simples pour gérer les commandes, le numérique peut durablement transformer la restauration collective et les producteurs locaux. Alors, quand verrons-nous la mise en œuvre de telles places de marché ?